Cheminer en mathématiques.

Introduction.

D’un coté, de plus en plus d’article vantent les mérites de la marche et de l’activité physique pour les apprentissages. D’un autre coté, je rencontre beaucoup d’élèves bloqué par les mathématiques. Pour ma part, passionné de maths, je pense qu’elles permettent de comprendre de nombreux aspects du monde, mais qu’on ne les aborde pas par un angle suffisamment concret… Et si on déclinait les contenus du programme en vécu de terrain ?

Soit un ours… ou pourquoi sortir du cadre

Petit exercice de mathématique… Soit un ours. L’ours, partant du point P, marche un kilomètre en ligne droite, plein Sud. Il tourne à gauche à angle droit et marche un kilomètre, tout droit, plein Est. Il tourne alors une nouvelle fois, à gauche à angle droit et marche un kilomètre, tout droit, plein nord, pour arriver exactement au point P d’où il est parti. Question : De quelle couleur est l’ours ?

Cet exercice est le premier de la liste d’exercices d’un livre intitulé how to solve it, de George Polya. Pour moi, il illustre parfaitement l’idée que les outils mathématiques commencent à être intéressant quand on sort du cadre habituel, ici celui de la « géométrie sur cahier ».

Néanmoins, il faut bien reconnaître qu’on ne se pose pas forcément des questions de math en permanence… Et c’est un peu de ce constat qu’est partie mon envie de proposer une autre façon de découvrir les mathématiques. Sortir des cadres de pensée routiniers pour résoudre les problèmes. Comme pour l’ours…

« J’aime pas les maths, et puis ça sert à rien ! »

Voila un constat, qu’on peut partager ou pas, qui revient régulièrement chez les élèves avec qui je travaille : « J’aime pas les maths… ». « Franchement, vous utilisez dans votre vie de tous les jours le théorème de Pythagore ? Les cosinus ? Ça vous arrive souvent de calculer la probabilité de prendre au hasard un coca ou un orangina dans le frigo ? Non, sérieusement, quand on veut un coca, on prend un coca, et quand on veut un orangina, on prend un orangina… On NE PREND PAS une boisson au hasard, franchement, c’est débile ces exemples… »

Il faut croire que le constat est fait par de nombreux mathématiciens si on s’en réfère à la nombreuse littérature sur le sujet. «J’aime pas les maths », « A quoi ça sert ? Les Maths »… Pour ne citer que quelques livres du rayon mathématiques de la bibliothèque municipale de Lyon la Part Dieu (une super bibliothèque, au passage).

Oui mais comme le dit Robin Jamet dans A quoi ça sert ? Les maths » :« Le loto est un impôt sur les gens qui ne connaissent pas les probabilités ». Et il serait trop long de citer tous les exemples d’utilisation effective des mathématiques dans les objets de la vie courante. Sans les métriques d’espace courbe, qui ne servaient à rien à l’époque, Einstein n’aurait pas aussi facilement formalisé la relativité, et vous n’auriez pas de GPS fonctionnel. L’ensemble des médicaments sont jugés utiles ou non à partir d’études statistiques bénéfices/risques. La modélisation mathématique d’un système est le fondement de son étude scientifique. Une compréhension critique du monde moderne requiert une bonne capacité en mathématiques, toute personne honnête arrive à ce constat à un moment donné.

Oui, mais comment aborder tout ça sans écœurer les élèves ? Et pourquoi moi j’aime ça ? Pourquoi j’ai toujours « joué » à finir mes exercices le plus vite possible ? Pourquoi ? Et est-ce que je peux réussir à transmettre cette passion ? J’aimerais beaucoup… Parlons donc du Comment.

Aborder les mathématiques par le terrain.

Il me semble que, bien souvent, les problèmes des élèves viennent du fait que les concepts abordés ne représentent rien pour eux. A l’inverse, les meilleurs mathématiciens voient les ensembles, les dérivées, les transformées de Fourier… Je pense notamment à Feynman quand il explique ses « patates à cheveux » dans Vous voulez rire M. Feynman. Alors on pourrait illustrer…

Comment mieux comprendre la notion de dérivée d’une fonction, qui n’est rien d’autre que sa pente locale, qu’en allant se mettre vraiment dans la pente ? Et reporter les altitudes en fonction d’une distance.

On comprend souvent bien ce qu’est un champ scalaire en l’illustrant par la température en fonction de la position. C’est souvent le cas dans les manuels. Mais peut-on ressentir mieux la réalité de ce champ qu’à l’entrée d’une grotte ? Et le vent illustrera à merveille le champ vectoriel…

L’adret est le versant d’une montagne le mieux exposé au soleil. Le versant sud. L’ubac c’est l’autre. Le versant nord. Celui où il y a les sapins… Il paraît évident qu’on ne peut pas être à la fois coté adret ET coté ubac… L’intersection de ces ensembles est l’ensemble vide. En notation mathématiques, ça donne ça :

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Mais quand on dit à quelqu’un qu’il ne peut pas être à la fois coté adret et coté ubac, souvent il répond « oui, mais si je suis dans le torrent, dans la rivière. Et la crête, je peux être sur la crête ! » Se représenter concrètement un ensemble fait automatiquement se poser la question des bornes. Dois-je inclure la frontière de l’ensemble dans l’ensemble ? Ou la garder dehors ? On comprend tout de suite mieux la notion de borne, et l’intérêt de bien définir les bornes d’un ensemble, d’un intervalle. Question qui pose régulièrement problème aux élèves qui abordent les inéquations ; ils ne savent jamais comment écrire les bornes des intervalles des solutions, ça n’a pas de sens pour eux.

J’ai parlé jusqu’à présent de concepts « assez avancés » en math. Les mathématiciens riront tant ces notions sont triviales pour eux, mais pas pour des élèves de primaire. Mais on peut également aborder des concepts bien plus simples. Par exemple la notion de proportionnalité en faisant le lien entre la taille du tronc et la hauteur d’un arbre, mettre en application le théorème de Thalès, pour mesurer la hauteur de l’arbre, justement. Travailler sur les repères spatio-temporels. Combien de temps je vais mettre en vrai pour faire tout ça sur la carte ? Se repérer une fois parti… On peut aussi aller beaucoup plus loin, et aborder des concepts bien plus complexes, des équations différentielles, des questions de topologie comme la somme des angles d’un triangle en espace courbe…

Bref, la liste serait trop longue, et je suis encore en train d’imaginer les formats, les ateliers, et de trouver les lieux qui se prêtent le mieux à chaque thème. Je travaille à ces projets, et je dois reconnaître que j’éprouve un grand plaisir à ça, et que j’ai une grande envie de le partager.

projets et publics

Actuellement, ce projet reliant montagne et mathématiques est en pleine construction… Plusieurs buts sont recherchés, qui se déclinent un peu différemment.

Le premier est le moins complexe. Illustrer les contenus scolaires, en travaillant le programme de la randonnée avec les instituteurs et institutrices des classes, en amont. Je travaille actuellement avec deux institutrices d’une école pour proposer, au printemps, une randonnée où nous parlerons un peu de math, mais aussi de lumière, de plantes… Quand je vois l’enthousiasme des institutrices, j’ai drôlement envie de partager ça avec d’autres écoles.

Le second est une version de randonnée qui serait plus une porte d’entrée, un premier pas, pour des gens qui s’intéressent aux mathématiques sur le tard… Pour l’instant, quelques cobayes ont décidé de me faire confiance pour aller « prototyper » cette randonnée. Un ami comédien, l’autre philosophe, tout les deux intéressés par les sciences, mais souvent bloqués par les équations… On va aller marcher une journée ou une demi journée, pour aborder quelques concepts de maths nécessaires pour aller plus loin dans la compréhension du monde moderne tel qu’on le modélise aujourd’hui. Cette rando/cours s’adresse à tous, et demandera, grosso modo, des connaissances en maths de niveau Lycée. La date prévue pour l’instant est le mercredi 3 mai 2017, pour participer au prototypage, me contacter.

Et enfin, le troisième but serait de permettre à des élèves rebutés par l’aspect scolaire des apprentissages en mathématiques de prendre un autre chemin, peut-être plus concret, du moins plus incarné. Certains, à qui j’ai parlé un peu du projet, ont montré de l’enthousiasme à l’idée d’apprendre sans rester enfermé dans une salle de classe… C’est peut être la déclinaison la plus subtile, l’équilibre le plus difficile, entre le cours particulier et une ouverture culturelle. Si faire naître un intérêt, un début de compréhension, est certainement profitable à long terme, ça ne garantit en rien des meilleures notes à court terme.

Voila l’état actuel d’un projet que j’aimerais beaucoup développer, faire grandir, essaimer… Alors si vous vous sentez concerné par le sujet, n’hésitez pas à me contacter pour discuter. Parce que l’envie de construire avec des gens est peut-être, finalement, le moteur le plus fort de ma motivation…

Ah, et l’ours est nécessairement blanc 😉

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